Ciabatta sans pétrissage




On s’imagine dans la Sicile de 1860, vers l’heure du déjeuner. L’héroïsme de Garibaldi est en train de forger une société moderne à partir de sang, de poudre à canon et d’acier, mais la faim commence à nous tourmenter. Dommage que le Resorgimento ne soit pas dans la huche à pain. À la place, on s’imagine plus tôt, dans un village toscan vers 1480, à l’heure du thé. Alors que la peinture est à peine sèche sur les tableaux de la Renaissance, on se précipite au casse-croûte le plus près pour un encas et une lampée de Chianti. L’encas? Probablement du fromage de chèvre, des tranches de jambon sec accompagnées d’une poignée d’olives, sans aucun doute servis avec un généreux morceau de ciabatta bien doré, fierté des paysans à la peau desséchée par le soleil, essence même des tables italiennes depuis que les Visigoths ont dégommé Rome. Ou peut-être pas. Dans la vie, comme au royaume du pain, tout n’est pas toujours comme il parait, puisque l’ancêtre d’au moins une forme de ciabatta, le long pain rustique qui tire son nom de la pantoufle à laquelle il ressemble supposément, ne prend pas racine à l’ère de la Chapelle Sixtine, mais plutôt pendant les beaux jours de Bananarama. En clair, l’âme du pain ciabatta ne date que des années ’80. Il faut suivre l’odeur du pain jusqu’à Venise, dans une petite ville appelée Adria, pour apprendre qu’à l’heure où Israel envahie le Liban, où l’Angleterre cesse le feu contre les Îles Malouines, une petite troupe d’experts enfarinés se réunit dans un moulin. Parmi eux, Arnaldo Cavallari, un meunier d’une quarantaine d’années, est très excité à l’idée d’avoir à créer un pain aussi viable commercialement, que la baguette française, dont les importations faramineuses menacent de monopoliser le lucratif marché du sandwich italien. Après des semaines de tests à essayer de raffiner et d’adapter des recettes régionales existantes, Cavallari trouve enfin la perfection dans un pain applaudit comme celui qui sauva l’Italie et bouleversa le monde du sandwich, le ciabatta polesano. Heureux d’avoir enfin touché le ciel, Cavallari fait breveter son pain en 1989. Mais d’après certaines autorités, le pain ciabatta existe déjà depuis plusieurs générations. Cavallari met au défi ceux qui croient l’avoir consommé dans les années ’40, de faire connaître leur source. On demande donc à des critiques de se prononcer sur ce nouveau pain aux airs de vieux revampé. Ceux-ci estiment que tous les pains utilitaires, soit ceux qui sont dessinés dans le but de recevoir une garniture, datent des 50 dernières années. Cela est pas un mal en soit,  puisque l’expérimentation en boulangerie, n’est jamais dénigrée. Au final, le pain ciabatta doré, goûteux, craquant et aisément empilé, est parfait pour ceux qui n’aiment pas le pain et adorablement imparfait pour ceux qui le chérissent.

  • 4 tasses farine tout usage
  • ¼ cuillerée à thé levure instantanée
  • 2 cuillerées à thé sel
  • ⅓ tasse huile d’olive
  • 1⅔ eau tiède (un peu plus au besoin)
  • Huile et farine de maïs pour la cuisson

Dans une grande jatte, bien mélanger tous les ingrédients, jusqu’à l’obtention d’une pâte épaisse et collante.

Recouvrir la jatte d’une feuille de papier d’aluminium et laisser lever pendant 18H, à température ambiante.

Transférer la pâte sur une surface enfarinée, saupoudrer le dessus de la pâte de farine et la façonner doucement avec les mains, de façon à obtenir un rectangle d’environ 10x12’’ (lors du façonnage, saupoudrer à nouveau de farine, les endroits trop collants de la pâte).

Préparer une plaque de cuisson enduite d’un peu d’huile et généreusement saupoudrer de farine de maïs, réserver.

Couper 6 petits rectangles dans la pâte, à l’aide d’une corne et transférer ces portions sur la plaque de cuisson réservée.

Couvrir les pâtons d’un linge propre et laisser à nouveau lever, pendant 1H.

Préchauffer le four à 425°, en prenant soin de poser un plat rempli d’eau sous la grille du bas.

Saupoudrer les pâtons d’un peu de farine et les faire cuire au four sur la grille du centre, pendant 20 à 25 minutes en vaporisant un peu d’eau dans le four, au moment d’enfourner.

Laisser tiédir quelques instants, avant de garnir.
Image Hosted by ImageShack.us